La direction des postes resta un moment imperturbable. On continua à
travailler avec zèle et à la fin de la journée, trois mille lettres avaient été
acceptées, pesées et affranchies. Le mail-coach partit ensuite à l'heure
habituelle, avec la même hâte et la même régularité qu'auparavant.
The London and Westminster Review, 1841
Une rumeur veut que le 6 mai 1840, une foule se soit rassemblée devant le
Bureau Postal National de Londres pour lancer un triple 'hourra': une fois pour
la réforme de la poste autorisant les lettres affranchies qui pouvaient
désormais circuler en échange d'un penny à l'intérieur des frontières
britanniques, une autre fois pour le Post Office et une dernière pour Monsieur
Rowland Hill qui, en réclamant une taxe uniforme, en quelque sorte les premiers frais de
port, instaura un début de réforme postale.
On allait alors assister en Angleterre à une réforme postale initiée par des
gens comme John Palmer, Robert Wallace, Rowland Hill et James Chalmers. Cette
réforme portait sur les points suivants:
- une seule et même taxe limitée applicable partout pour les lettres destinées
au Royaume-Uni, quelle que soit la distance. La taxe due dépend du poids de
l'envoi.
- le paiement anticipé du port.
- la suppression de tous les privilèges dont bénéficiaient les parlementaires.
- l'expédition accélérée du courrier et la simplification du travail
administratif.
Jusqu'il y a deux siècles, la poste était organisée de manière relativement
chaotique. C'est en 1840 qu'un homme, en dépit de toutes les remarques,
oppositions et moqueries, allait réussir à imposer une taxe uniforme, une
première forme de frais postaux. En 1837, Rowland Hill écrivit son "Postal
Reform ; its Importance and Practibility". Il y traitait de la nécessité de
créer des enveloppes pré-imprimées et de timbres que l'on collerait dessus.
Il n'y aurait qu'un seul tarif: un penny par lettre. Rowland Hill partait du
principe qu'il fallait que l'écriture et l'envoi d'une lettre reviennent
nettement moins cher.
C'est à partir du 1er mai 1840 que Mulready conçoit les premières enveloppes
pré-imprimées et en commercialise les premiers exemplaires. Il fallait toutefois
disposer à l'époque d'une machine spéciale pour imprimer le Mulready et une
autre par après pour les détruire... Un timbre autocollant fut suggéré en guise
de solution.
Un grand concours fut organisé, les participants disposant de trois mois pour
présenter leur projet. 49 projets furent déposés et c'est le "penny black" (http://www.norbyhus.dk/btpbr.html)
représentant la Reine Victoria (http://www.britannia.com/history/monarchs/mon58.html)
qui l'emporta. L'esquisse était de Charles et Frederick Heath (http://www.crofil.com/ukblack.htm).
Le 1er mai 1840, 600.000 de ces timbres-poste furent vendus à Londres. Le
premier penny perforé fut officiellement commercialisé le 28 janvier 1854. Pour
les philatélistes, le document de John Chalmers datant de 1838 revêt toujours
une très grande importance parce que celui-ci y décrit de manière exacte ce qui
allait devenir, deux ans plus tard, le fameux penny black.
Le penny black ne faisait l'objet d'aucune exclusivité, ce système fut par
conséquent repris dans d'autres pays. L'aperçu historique permet d'emblée de se
rendre compte à quel rythme certaines administrations postales réagirent et de
constater que bon nombre de pays ne sortirent un timbre-poste qu'au XXème
siècle.
Le timbre-poste n'a pas fait son apparition du jour au lendemain; il fut
précédé d'un certain nombre de précurseurs. Nous devons la première mouture du
timbre-poste actuel au Duc Francesco Sforza, un noble milanais qui apposa au
milieu du XVème siècle son sceau à sec sur une feuille de papier en mentionnant
"Mediolanum Cursores" (poste de Milan).
Le billet postal municipal de Velayer fut lui aussi l'un des précurseurs du
timbre-poste. La Sardaigne a également été une source d'inspiration: on y
utilisait en effet des cavallinis, des feuilles de papier arborant un cachet
officiel permettant aux dirigeants d'éviter que des particuliers cupides
n'alimentent leur propre portefeuille plutôt que la manne royale, par le biais
du transport de courrier.
La toute jeune Belgique s'inspira rapidement de la réforme britannique.
Charles Rogier, ministre des Travaux Publics, envoya en 1840 Louis Bronne,
inspecteur de la 2ème division des Postes Belges, à Londres afin d'y étudier la
réforme du système postal qui venait tout juste d'y être instaurée.
Sept années plus tard allait être édictée une loi réglementant l'utilisation
des timbres-poste de 10c et de 20c pour l'affranchissement de la correspondance
à l'intérieur des frontières. L'arrêté royal concrétisant ces projets sortit en
1849. Les fameux timbres "épaulette" de Léopold I furent disponibles en brun
(10c) et en bleu (20c) et cent jours plus tard, sous le type "médaillon", en
rouge vermillon (40c).
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